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Face au paysage, le promeneur attentif annote son cahier, esquisse les premiers traits d’une composition, croque telle ou telle étrangeté, il prend en quelque sorte la mesure, physique et métaphorique, de l’étendue qui se déploie sous ses yeux ; sa mémoire se constitue en cet instant. L’exposition Walking through… évoque précisément ce rapport à l'espace mais également au temps.
« Des régions sauvages, balayées de tempêtes, alternaient avec des contrées plus avenantes et plus douces, et de même, les méchantes masures misérables, laides, en piteux état succédaient aux demeures bien tenues, cossues et de bon aloi, et toujours, le voyageur voyageant, cette espèce de vagabond folâtre et joyeux, insouciant comme il en avait le droit, se régalait d'examiner attentivement les innombrables phénomènes qui se présentaient à ses yeux. » Rober Walser, Vie de Poète
Face au paysage, le promeneur attentif annote son cahier, esquisse les premiers traits d’une composition, croque telle ou telle étrangeté, il prend en quelque sorte la mesure, physique et métaphorique, de l’étendue qui se déploie sous ses yeux ; sa mémoire se constitue en cet instant. L’exposition Walking through…évoque précisément ce rapport à l'espace mais également au temps. Dans cet esprit, la série des 19 tondi de Kuitca, véritable « journal » tenu de façon quasi quotidienne, s’étale de 1994 à 2000, période durant laquelle l'artiste peint, écrit, dessine, griffonne sur une toile réemployée qu’il a tendue sur sa table de jardin. Au gré de ses activités, les couleurs et les motifs se superposent à la manière d’un palimpseste dont aucune des strates n’aurait entièrement disparu. Puis, le moment venu et le tableau achevé, le peintre entame le suivant. Les pensées d'un instant, la fugacité des humeurs, le temps fragmenté se sont de cette façon inscrits sur chacun de ces tondi.
La nature est simultanément objet d’observation et espace d’expérimentation. Certains la parcourent physiquement tel Richard Long qui, lors de longues marches parfois éprouvantes, arpente un territoire défini dont ses œuvres conservent la trace. D’autres en déplacent les contours ou la réinventent mentalement à la manière de David Zink Yi pour qui le corps humain devient surface à parcourir et dont la vidéo fait écho aux variations graphiques poétiques de Cy Twombly et Janaina Tschäpe.
Didier Marcel, quant à lui, emprunte littéralement au paysage, ce faisant il prélève et révèle les qualités d'une banalité passées sous silence. Plus étranges et à l’activité incertaine, les personnages de Xavier Veilhan, en frac et gibus à la main, parfois parés de plumes, un requin échoué à leurs pieds, posent sur une plage, la mer en toile de fond. Ce paysage panoramique pixellisé demeure énigmatique et nous rappelle l'illusionnisme des décors photographiques d'une modernité surannée.
Les artistes réunis font tous preuve d’un regard singulier, jamais ordinaire, comme le soulignent les photographies de Geert Goiris qui, selon ses propres termes, constituent « un coup d'œil furtif et transitoire sur une autre réalité ». Ses images entretiennent une relation étrange et étrangère aux lieux et aux objets. Elles chosifient les premiers tandis qu'elles font des seconds des paysages. Le temps semble s'être arrêté. Toutes ces natures désolées semblent évoquer les traces d'une présence humaine passée, désormais incongrue.
À travers les œuvres de plus d’une vingtaine d’artistes aux pratiques variées, se dessinent ainsi la pluralité et la richesse de la relation qu’entretiennent les artistes au paysage.