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Steven C. Harvey

Vehicles

« Ceux d’entre nous qui se sentent liés au surréalisme comme par un cordon ombilical devraient être rassurés par la capacité infinie du monde à alimenter sans cesse la fantaisie surréaliste grâce aux frasques des êtres qui le dirigent. Dans son évolution, l’homme invente et détruit, avide et décadent, traçant un sillon duquel pourront germer les fraîches semences d’étincelles poétiques. La série Vehicles est née d’une poignée de ces graines : l’aspiration du 20e siècle à un avenir futuriste, la conscience du 21e siècle que cet avenir est mort, le creux béant de la clairvoyance contemporaine et la schizophrénie morale sans précédent de l’homme du 21e siècle, qui, malgré son bon caractère, ne peut s’empêcher de verser du sang et des eaux usées empoisonnées, tourmenté par les esprits de ses propres mythologies tutélaires. » (Steven C. Harvey)

© Collection Mudam Luxembourg Photo : Rémi Villaggi

Steven C. Harvey projette les visions sombres d’un univers de science-fiction bien loin des lendemains qui chantent, un regard dystopique, profondément pessimiste sur un monde muté en monstre et dominé par les machines. Fasciné par les imaginaires futuristes de sa jeunesse, par le design des avions et des voitures des années 1970, l’artiste parle de ses dessins comme d’une réaction à la frustration née de promesses d’avenir trahies. Le futur, marqué par l’omnipotence de la technique et le gaspillage incommensurable des ressources, semble désormais menaçant pour le renouvellement de la nature, de l’espèce humaine et de l’humanité.

L’incroyable précision des dessins de Steven C. Harvey rappelle la force visionnaire des Carceri (1745) de Giovanni Battista Piranesi ou des Caprichos (1799) de Francisco de Goya, dont la maxime, « Le rêve de la raison engendre des monstres », semble avoir parrainé l’artiste. Les dessins de Steven C. Harvey évoquent également les univers visuels créés par le cinéma. De nombreuses scènes de films tels que La Guerre des étoiles, Matrix, 2012, Soleil vert ou Terminator 3 viennent spontanément à l’esprit. Dans cet univers désolé où la machine s’est émancipée, les promesses et les symboles chrétiens du Salut ne semblent être que leurres, tout au plus de vagues éléments de décors ancestraux dont seule la fonction ornementale subsisterait. L’homme y est toléré, non plus comme protagoniste, mais le plus souvent comme figurant occupé à conduire, entretenir ou mettre en marche des véhicules aux allures de dinosaures, tandis que d’autres se vautrent dans une consommation irréfléchie et aveugle, élevant leurs enfants tout naturellement dans ce monde déshumanisé. Ce que l’on y voit de la nature est surexploité. À l’image de gigantesques arches, certaines machines abritent des animaux dont l’attitude évoque moins les rescapés du déluge que les bêtes condamnées à l’abattoir. Ou bien, tels ces éléphants, symboles par excellence des espèces sauvages en voie de disparition mais aussi d’animaux doux et intelligents, misérablement pendus, rouages insignifiants d’une vaste machinerie sans âme.

Steven C. Harvey ne considère aucunement ses travaux comme des visions d’avenir. Se référant à l’auteur de science-fiction J. G. Ballard, il les voit comme des images d’un monde intérieur : « Comme le catalogue d’un présent monstrueux, ils sont des récits du chantier boueux et interrompu d’une nouvelle tour de Babel. »

Steven C. Harvey est né en 1967 à Stafford, Angleterre. Il vit et travaille à Athènes.

© Collection Mudam Luxembourg Photo : Rémi Villaggi

Crédits

Commissaire:
  • Clément Minighetti