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Dans le cadre de l’édition 2023 de la Biennale De Mains de Maîtres Luxembourg, un dialogue inédit s’instaure entre la série récente Lux Field (2023) de Letizia Romanini (1980, Esch-sur-Alzette) et la sculpture Sans titre (Labours) (2006-2007) de Didier Marcel (1961, Besançon), issue de la collection du musée. Tous deux en prise directe avec la nature, ils en captent l’une des images suspendues dans le temps, l’autre un fragment de paysage travaillé par l’homme. Par un jeu de contrastes tant dans l’échelle que les matériaux utilisés, ils invitent à reconsidérer notre rapport au réel.
À travers le projet Lux Field, Letizia Romanini s’est attachée à arpenter la frontière luxembourgeoise sur toute sa longueur. Au cours de ce périple, elle collecte diverses traces, ténues et ordinaires, de la nature mais aussi de l’activité humaine (branches, cailloux, hameçons, fils métalliques). Simultanément, elle cartographie le territoire à l’aide de son appareil photographique. De cette archive iconographique émergent des paysages de petite taille, travaillés dans l’atelier à l’aide de la marqueterie de paille, une technique remontant au 17e siècle qui requiert patience et minutie. Didier Marcel puise, quant à lui, les motifs prosaïques de ses œuvres dans son environnement immédiat, ici une parcelle de terre fraîchement labourée, reproduite à l’échelle et transformée en une sculpture monumentale.
Leur geste respectif, l’assemblage de fétus de paille d’une part, l’empreinte grandeur nature d’une autre, se nourrit de l’observation et pousse le réel vers la stylisation qui, bien qu’elle évacue toute forme humaine, en conserve la trace implicite. Car si l’imaginaire de l’espace suburbain et la route nationale affleurent dans la nature domestiquée de Didier Marcel, les paysages existentiels de Letizia Romanini oscillent également entre présence et absence.