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Symposium | Riverine Borders: On rivers and other border materialities

Quand

Mudam Auditorium
Dans le cadre de l'exposition

Zoe Leonard. Al río / To the River

Langue

Anglais

Tarif

Gratuit (Déjeuner au Mudam Café pour 10€)

Places limitées

Sous réserve de modification ou d'annulation

Composants essentiels du monde vivant et des paysages terrestres, les cours d’eau sont, dans de nombreuses régions du monde, utilisés comme lignes de démarcation – comme « frontières naturelles » – entre les États. Pourtant, avant d’être des lignes qui séparent, les fleuves et les rivières sont des lignes qui relient. Les régions qui les bordent sont souvent des lieux de vie, d’interaction, de passage, de porosité, de métissage et de mélange particulièrement riches.

Organisé en résonance avec l’exposition de Zoe Leonard, le symposium Riverine Borders: On rivers and other border materialitiess’intéresse à la matérialité des frontières fluviales, d’un point de vue territorial, géographique et politique, mais aussi d’un point de vue métaphorique, comme des espaces où les idées et les idéologies se croisent et, parfois, s’affrontent.

Issu·es de différents horizons et de discipline variées – arts visuels, cultural studies, histoire et géographie –, les chercheur·ses et universitaires invité·es aborderont la question des frontières fluviales dans les contextes américano-mexicain et européen. Leurs interventions s’inscriront dans l’actualité des débats portant sur le statut des frontières et leur valeur symbolique, dans un contexte d’accroissement des nationalismes et des crises migratoires, mais aussi d’une multiplication des dispositifs de contrôle, qu’ils soient physiques ou digitaux, à l’échelle mondiale.

Ce symposium est organisé en collaboration avec l’UniGR-Center for Borders Studies : Université de Luxembourg (Geography and Spatial Planning), l’Université de la Sarre (North American Literary and Cultural Studies) et l’Université de Trèves (Trier Center for American Studies).

Comité scientifique : Astrid M. Fellner; Christophe Gallois, Gerd Hurm; Nele Sawallisch; Christian Willem, ainsi que le service curatorial et le service public du Mudam.

Déroulé
09h00 : Possibilité de visiter l'exposition de Zoe Leonard, découvrir le projet Borderland Stories au Mudam Studio (Universität des Saarlandes), et de prendre un petit-déjeuner au Mudam Café
10h00 : On the materiality of the river: Rebekka Kanesu, Dr. Ifor Duncan, Dr. C. J. Alvarez. Modération: Prof. Dr. Astrid Fellner
12h30 : Pause déjeuner. Possibilité de visiter l'exposition de Zoe Leonard, découvrir le projet Borderland Stories au Mudam Studio (Universität des Saarlandes).
14h00–16h30 : On the river as a metaphor: Elisabeth Lebovici & Catherine Facerias, Dr. Daniela Johannes, Prof. Dr. Astrid Fellner. Modération : Prof. Dr. Nele Sawallisch
17h00 : Clôture et discussion finale, modérée par Dr. Christian Wille et Prof. Dr. Nele Sawallisch

Rebekka Kanesu
Liquid lines – an exploration of hydrosocial borders
Dans cette conférence, j’aborde la manière et le moment où une rivière peut devenir « marqueur de division », « moteur de connectivité » ou ne pas devenir une frontière du tout. Les rivières-frontières remettent en question le concept commun de frontière (politique) d’apparence statique. Au lieu de tracer de simples lignes cartographiques servant à séparer les territoires, les rivières bougent constamment, leurs formes changent selon leur hydromorphologie et selon les saisons. En plus d’être des démarcations visibles, elles occupent aussi plusieurs autres rôles, comme ceux d’infrastructures servant à la navigation et à la production d’énergie, sources d’eau fraîche, lieux de loisir, collecteurs d’eaux usées, ou écosystèmes aquatiques. Les rivières sont des entités hydrologiques et sociales, ce qui vient compliquer leur fonction de frontière. En analysant l’hydrosocialité de la Moselle, cette rivière qui forme une frontière naturelle entre la France, le Luxembourg et l’Allemagne, je plaide pour des perspectives plus complexes et dynamiques des frontières. Les divers exemples que je partagerai de pratiques où le discours et la matérialité s’enchevêtrent, et qui continuent de former la Moselle en tant que frontière, montreront les tensions, les liens, et les tentatives de contrôle ainsi que les formes de résistance qui se négocient entre acteurs humains et non humains dans le processus de formation d’une frontière. En examinant la Moselle en tant qu’espace liquide tridimensionnel et en envisageant son caractère directionnel et sa matérialité, j’explorerai également des formes contingentes de formation de frontières hydrosociales qui permettront peut-être d’élargir notre compréhension des espaces frontaliers.

Rebekka Kanesu est doctorante en géographie humaine au Département des sciences spatiales et environnementales de l’Université de Trèves. Elle a une formation en anthropologie sociale et culturelle et s’intéresse à des sujets comme les relations entre les humains et leurs environnements, l’écologie politique, et les géographies « plus qu’humaines » en lien avec les études frontalières. Pour son projet doctoral, « Lignes liquides – rivières et frontières à l’ère de l’Anthropocène », elle étudie la relation entre les gens, les poissons et la Moselle, rivière transfrontalière, comme infrastructure selon une perspective d’écologie politique.

Dr. Ifor Duncan
Weaponising a River
Cette conférence porte sur la production de la rivière Évros / Mériç / Maritsa – frontière naturelle entre la Grèce, la Turquie et la Bulgarie – comme technologie frontalière. De son cours principal jusqu’à son delta, cette frontière fluviale est marquée par le passage de demandeurs d’asile et de ressacs systématiques. Je conçois que cette technologie incorpore toute l’hydrologie de l’écosystème de la rivière, des vitesses mortelles de son cours central, en passant par ses zones boueuses et brumeuses, jusqu’à ses murs de défense contre les inondations qui démarquent la zone tampon militaire qui l’entoure (Zoni Asfaleias Prokalypsis (ZAP)). L’impunité de l’État découle en partie du fait que la ZAP incorpore l’excès des eaux de crue dans ses excès en matière de pouvoir souverain territorial. Après près d’un siècle de changements géomorphologiques depuis la démarcation de 1926, cette rivière rendue frontière rend à son tour la frontière plus rivière. Ainsi, la frontière fluviale est une archive changeante des calculs militaires et des décisions géopolitiques qui rendent dangereuses ses propriétés dans le cadre de la création de voies de migration de plus en plus périlleuses. Ici, les coups pleuvent, on jette des téléphones mobiles et des documents officiels dans la rivière et, après les crues saisonnières, on retrouve des cadavres sur les rives du delta. À travers ses eaux et ses sédiments, cette rivière frontalière est à la fois une arme et une archive des politiques d’exclusion qui se jouent aux limites aqueuses de l’UE. Cette conférence comprend des enregistrements hydrophoniques, des entretiens avec des demandeurs d’asile, des juristes et des spécialistes de l’environnement, ainsi que d’autres éléments médiatiques.

Ifor Duncan est un écrivain, artiste et chercheur interdisciplinaire qui s’intéresse au recoupement entre la violence politique et les écosystèmes aquatiques. Il est boursier postdoctoral en Sciences humaines de l’environnement à l’Université Ca’ Foscari de Venise. Ifor Duncan détient un doctorat du Centre pour la recherche en architecture de Goldsmiths. Sa thèse doctorale est intitulée Hydrology of the Powerless (L'Hydrologie des sans pouvoir), et il travaille actuellement sur un projet de livre, Necro-Hydrology (nécrohydrologie), selon le concept éponyme qui se manifeste là où la connaissance des eaux et la gestion qui en découle se développent à l’encontre de la vie, créant ainsi un lien intrinsèque entre la justice humaine et environnementale. Ifor Duncan est également chargé de cours invité au Royal College of Art.

Dr. C. J. Alvarez
Three Ways to Think about River History with Examples from the Rio Grande
Le Rio Grande est un très long fleuve contenant peu d’eau. Bien que son lit est souvent à sec par endroits, il joue un rôle important dans divers types de récits historiques à cause de la grande distance qu’il traverse, des pics enneigés des montagnes Rocheuses, à travers un désert aride, et jusqu'à la région subtropicale du golfe du Mexique. Il serpente sur plus de 3000 km d’environnements et de cultures radicalement différents, et cette complexité est exacerbée par le fait qu’une partie de la rivière a été convertie en frontière politique. Pendant mes années de recherche sur l’écart entre les États-Unis et le Mexique et le désert de Chihuahua, j’ai passé de longs moments sur les rives le long du Rio Grande. À partir de cette expérience, j’ai développé trois façons distinctes d’envisager ce fleuve. Chaque point de vue m’a mené vers différents angles de recherche. Voici les trois questions : Quelle est la nature du fleuve ? Comment les gens ont-ils interagi avec celui-ci ? Comment le politique y a-t-il été superposé ? Il y a parfois un chevauchement entre les réponses à ces questions, mais elles produisent généralement différents types de récits qui nous aident à envisager différentes manières de voir le monde non humain. Cette conférence vise à vous familiariser avec un fleuve nord-américain tout particulièrement fascinant, mais elle sert également à partager un ensemble de cadres intellectuels pouvant être appliqués à n'importe quel autre cours d’eau sur la planète.

C.J. Alvarez a grandi à Las Cruces, au Nouveau-Mexique. Il a étudié l’histoire de l’art à Stanford et à Harvard et a obtenu un doctorat en histoire de l’Université de Chicago. Il est actuellement professeur agrégé du département d’études mexico-américaines et latines de l’Université du Texas à Austin, où il enseigne et écrit sur l’histoire de la frontière entre les États-Unis et le Mexique et sur l’histoire environnementale. Il est l’auteur du livre Border Land, Border Water: A History of Construction on the U.S.-Mexico Divide, le tout premier ouvrage brossant un portrait aussi large de l’histoire des projets de construction sur cette frontière. Il écrit actuellement un livre sur l’histoire du désert de Chihuahua, le plus grand et le moins connu des déserts d’Amérique du Nord.

Catherine Facerias & Elisabeth Lebovici
Crossing over with
Borderlands/La Frontera
« Et si je réclamais cet espace où l’on m’a confiné en tant que lesbienne, en tant que Mexicaine, en tant que femme, et en faisais mon territoire… Et si je m’efforçais d’élargir cette fissure afin que d’autres puissent y être aussi? » (Gloria Anzaldua, dans Backtalk: Women Writers Speak Out, 1993). Trente-cinq ans après la publication de Borderlands/La Frontera: The New Mestiza, l’héritage de Gloria Anzaldua est toujours aussi vivant et important. Cet ouvrage est devenu un repère pour plusieurs champs disciplinaires, de la littérature aux études frontalières, et de l’anthropologie Latinx et Chicanx jusqu’à la théorie de l’écocritique. Originaire de la vallée du Rio Grande, Gloria Anzaldua conçoit le territoire frontalier comme étant un espace formateur sur le plan de la langue et de l’identité, et un terrain de et pour la résistance politique et culturelle. Cette conférence sera axée autour de la frontière comme espace vivant, changeant, de rapprochement et ultimement productif pour une minorité de cultures et de subjectivités.

Catherine Facerias est une chercheuse et écrivaine indépendante avec une formation en anthropologie urbaine de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris. Son travail porte sur les modes de production des espaces publics dans les environnements bâtis, sur les modalités d’accès aux espaces publics et aux villes en général, ainsi que sur les conditions de la vie dans les interstices des espaces urbains.

Elisabeth Lebovici est une historienne de l’art et critique d’art vivant à Paris. Elle a été rédactrice culturelle pour le journal quotidien Libération (1991-2006) et tient un blog, Le Beau Vice. Anciennement militante contre le VIH/SIDA, elle est avec Catherine Facerias l’une des membres fondatrices du fonds LIG – Lesbiennes d’Intérêt Général. Depuis 1990, elle écrit sur le féminisme, l’activisme, la politique queer et l’art contemporain. Avec Catherine Gonnard, elle est l’auteure d’un ouvrage sur l’histoire des femmes artistes en France de 1880 aux années 2000 intitulé Femmes artistes/Artistes femmes : Paris, de 1880 à nos jours (Hazan, Paris, 2007). Son plus récent livre, Ce que le sida m’a fait – Art et Activisme à la fin du XXe siècle (JRP Ringier, « lectures Maison Rouge », Zurich, 2017 et 2021), a reçu le Prix Pierre Daix en histoire de l’art (2017). Elisabeth est co-commissaire (avec Patricia Falguières et Nataša Petrešin-Bachelez) d’un séminaire intitulé « Something You Should Know : Artists and Producers » à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris.

Dr. Daniela Johannes
Cry Me a River: Water Affects and Womanhood in Borderlands Chicanx Literature
L’archétype au cœur du récit édifiant de La Llorona – cette mère fantôme issue du folklore de la frontière entre le Mexique et les États-Unis – est la femme ayant échoué à être un modèle exemplaire de maternité, ainsi condamnée à pleurer la perte de ses enfants aux abords d’un fleuve. Le fleuve, normalement symbole du flot infini de la vie, est ici plutôt un symbole de mort, de noyade et de profondeur, en relation avec les larmes de cette femme qui coulent de manière incontrôlable. Ainsi, l’archétype sert non seulement à inspirer une maternité ardente, mais aussi à communiquer aux femmes qu’elles doivent éviter toutes ces formes de féminité indésirables stéréotypées comme l’émotivité, l’irritabilité ou l’irrationalité. Dans la littérature contemporaine des régions frontalières, les archétypes féminins comme celui de La Llorona sont revus afin de « redéfinir et d’élargir le rôle des femmes au-delà des points focaux traditionnels de la maternité et du mariage », affirme Barbara Simerka. De plus, cette présentation traite de la manière dont cette littérature redéfinit les réactions émotives féminines comme étant liées aux qualités affectives de l’eau, qui imprègnent alors toutes les femmes d’un point de vue symbolique et matériel. Les échanges affectifs entre le paysage d’un territoire et le corps d’une femme ravivent ce que Cherríe Moraga nomme la « théorie incarnée » qui inscrit la « géoimagination » des régions frontalières autant dans le corps des femmes que dans les étendues d’eau. Alors que les fleuves peuvent servir à établir des frontières politiques, nationales et de genre, en littérature la création de frontières comme geste affectif a la capacité de démanteler ces frontières à partir du territoire intime du corps.

Daniela Johannes est professeure associée d’études Latinx à l’Université West Chester, en Pennsylvanie. Sa recherche porte sur l'importance de l’environnement du désert de Sonora dans la sécurisation de la frontière sud des États-Unis, qui met de l’avant la nature comme moyen politique de contrôler la vie et la mort dans l’espace national. À West Chester, Johannes est actuellement directrice du programme d’études d’Amérique latine et Latinx et présidente de la Commission facultaire multiculturelle au sein de L’Office pour l’équité et l’inclusion. Au niveau régional, elle a récemment assumé la direction du Greater Philadelphia Latin American Studies Consortium.

Prof. Dr. Astrid Fellner
Bridging Rivers/Undoing Borders: Queer Border Practices on the US-Mexican Border
Comment peut-on défaire une frontière? Comment les surfaces aqueuses des frontières riveraines peuvent-elles déplacer des démarcations établies et contribuer au démantèlement des frontières? De quelles façons les pratiques culturelles qui relient les rivières sont-elles des contre-formations d'une vision des frontières et des régimes frontaliers comme événements infrastructurels ou opérations technologiques, c’est-à-dire des assemblages de divers acteurs humains, de technologies et de dispositifs de surveillance? En tenant compte de l'importance des processus frontaliers au 21e siècle, cette conférence met en lumière de nouvelles épistémologies qui puisent à même le potentiel créatif des frontières riveraines afin de défaire les lignes fixes. Axée sur le potentiel subversif des pratiques artistiques frontalières qui proposent une lecture queer et une déstabilisation des frontières, cette contribution s'intéresse aux enchevêtrements, aux croisements, aux convergences, aux superpositions et aux heurts entre frontières riveraines.

Astrid M. Fellner est titulaire de la chair des Études littéraires et culturelles d'Amérique du Nord à l’Université de la Sarre, en Allemagne. Elle est co-conférencière d’un programme de formation d’études supérieures international financé par la Fondation allemande pour la recherche et la Fondation canadienne pour les sciences sociales intitulé « Diversité : Arbitrer les différences dans les espaces transculturels » mené par l'Université de la Sarre et l'Université de Trèves en collaboration avec l’Université de Montréal. Elle est également la chargée d'un projet INTERREG Großregion VA financé par l'EU, « Université de la Grande Région Centre pour les études frontalières » et coordinatrice d’action d’un glossaire frontalier trilingue comprenant quarante termes clés relatifs aux études frontalières. Elle est impliquée depuis 2014 dans un projet DAAD-Eastpartnership avec la Petro Mohyla Black Sea National University à Mykolaïv intitulé « Faire le pont entre les frontières ». Elle est également membre du projet interdisciplinaire BMBF « Lier les régions frontalières » pour lequel elle étudie et compare les films frontaliers et la culture industrielle de la Grande Région avec ceux de la frontière Allemagne/Pologne. Ses publications comprennent Articulating Selves : Contemporary Chicana Self-Representation (2002) et Bodily Sensation : The Female Body in Late-Eighteenth-Century American Culture (à paraître). Elle a également été éditrice pour plusieurs volumes et articles dans les milieux des études frontalières, de la littérature latine des États-Unis, de la littérature de la Révolution américaine, de la littérature canadienne, des études autochtones, des études de genre et queer, et des études culturelles.

Série de conférences en ligne
13.05.2022 | 18h30–20h00 : Carlos Morton (Université de Californie à Santa Barbara), The tao of Mestizaje: multiple borders, multiple bridges
(Plus d'infos et inscription : Universität des Saarlandes)
22.03.2022 : Fabio Santos (Université d’Aarhus) | Bridging Fluid Borders: Entanglements in the French-Brazilian Borderland
12.04.2022 : Ana Gomez Laris (Université de Duisbourg et Essen) sur le sens symbolique des frontières en examinant le phénomène des migrants sans papiers aux États-Unis.