Stan Douglas
Dans l’installation Le Détroit (1999-2000), Stan Douglas (1960, Vancouver) déploie un dispositif cinématographique sophistiqué. Inspiré par la chronique historique Legends of Le Détroit (1883) de Marie Hamlin et le roman d’horreur The Haunting of Hill House(1959) de Shirley Jackson, l’artiste fusionne de nombreuses allusions visuelles, littéraires et historiques en un récit composite, dont la présentation formelle est aussi importante que la richesse sémantique. Douglas avait déjà réalisé une série de photos thématisant la décadence de la ville fondée en 1701 sur un isthme fluvial par des colons français. Il situe le contexte de l’histoire du Détroit dans le quartier emblématique de Herman Gardens, autrefois fer de lance de la métropole automobile américaine, mais dont le profil social a désormais basculé d’un arrondissement résidentiel prestigieux réservé aux blancs des classes moyennes, vers un ghetto noir et pauvre marqué par la criminalité. On y découvre un personnage, Eleanor, descendre de voiture, pénétrer dans une maison abandonnée, y effacer des traces, puis errer en tâtonnant à la recherche de quelque chose. Sans avoir atteint son but, elle quitte les lieux, rejoint son véhicule, une Chevrolet Caprice, un modèle de voiture fréquemment utilisé par les enquêteurs américains en civil et baptisé de ce fait « Ghost Car » (voiture fantôme). Comme saisie dans une boucle temporelle, sa recherche reprend depuis le début. Le système sophistiqué de double projection sur un même écran des films positif et négatif en léger asynchronisme invite le visiteur à une expérience non seulement physique, mais aussi réflexive de l’image en mouvement.