À travers son travail photographique, LaToya Ruby Frazier (1982, Braddock, États-Unis) s’attache à rendre visibles des personnes, des lieux et des problématiques qui demeurent habituellement occultés. À l’exemple de The Notion of Family (2001-2014), créée à partir de sa propre expérience familiale, son œuvre se distingue par sa capacité à traiter de questions telles que les inégalités d’accès aux soins, les conséquences de la désindustrialisation ou la justice sociale et environnementale en partant de situations et de parcours personnels. Creuset d’influences variées, des photographes qui ont façonné le style documentaire durant le XXe siècle (Walker Evans (1903-1975), Dorothea Lange (1895-1965) ou Gordon Parks (1912-2006) par exemple) à la littérature africaine-américaine en passant par la performance et l’art conceptuel des années 1960-1970, elle renouvelle la tradition photographique documentaire en l’abordant du point de vue de l’intime et de la collaboration.

Composé de vingt-six tirages argentiques en noir et blanc, l’ensemble Flint is Family (2016-2017) a pour point de départ la commande que le magazine Elle lui a passée en 2016 de documenter, sous la forme d’un essai photographique, l’une des plus importantes catastrophes sanitaires qu’aient connues les États-Unis : la contamination au plomb de l’eau potable de la ville de Flint (Michigan), survenue suite à une modification du mode d’approvisionnement du réseau hydraulique visant à réaliser des économies. Comme dans The Notion of Family, Frazier aborde les conséquences de cette crise à travers le prisme de trois générations de femmes, Shea Cobb, qui est poète et conductrice de bus scolaires, sa mère, Renée Cobb, et sa fille, Zion. La série photographique associe des fragments de leur vie quotidienne dans lesquels transparait la catastrophe sanitaire, des moments de protestations civiles et des vues aériennes du contexte urbain et industriel, tissant ainsi des liens entre expériences personnelles et réalités politiques, sociales et environnementales.