Kyoichi Tsuzuki
À travers de nombreuses séries photographiques, le photographe japonais Kyoichi Tsuzuki (1956, Tokyo), qui se considère lui-même comme un journaliste, offre une immersion inédite dans la vie privée japonaise. Au début des années 1990, il entreprend pour son livre Tokyo Style dedévoiler sous forme de reportage les coulisses de la capitale. On y retrouve des habitations privées de Tokyo, habituellement inaccessibles, dans lesquelles se mêlent logements traditionnels et comportement consumériste occidental. Pour sa série Happy Victims, Kyoichi Tsuzuki a dressé le portrait d’inconnus dans leur logement, entourés des vêtements et accessoires de leur styliste préféré. Les trésors de ces « fashion victims » envahissent littéralement les minuscules appartements, à l’image de l’effort considérable que cette passion fait peser sur leur budget. Simultanément, le photographe révèle un aspect de la personnalité de ces victimes consentantes, pour qui la mode, fétichisée, devient un objet de culte et le miroir d’aspirations personnelles. Ces mises en scène participent à la construction identitaire de chacun et nourrissent une forme de mythologie contemporaine. Les œuvres de Kyoichi Tsuzuki, éloquentes quant aux conditions de vie dans les métropoles japonaises, ne reflètent pas le regard distancié d’un sociologue analysant le monde qui l’entoure. Elles témoignent bien plus de l’empathie – teintée de légèreté ironique – dont leur auteur fait preuve face au désir de possession qui animent ces « heureuses victimes ».